(modifié en date du 16 juillet 2015[1] )
(Novembre 2022)
Ne donner la présente directive qu’après une directive sur un autre moyen de défense susceptible d’entraîner l’acquittement pur et simple de l’accusé. En effet, la présente directive invite les jurés à déclarer l’accusé coupable d’homicide involontaire coupable s’ils arrivent à la conclusion que la défense de provocation s’applique.
Un homicide coupable qui autrement serait un meurtre peut être réduit à un homicide involontaire coupable si la personne qui l’a commis a agi dans un accès de colère causé par une provocation soudaine. Vous avez entendu une preuve selon laquelle (préciser la conduite de (NDP) qui constituerait de la provocation).
(NDA) doit être déclaré non coupable de meurtre, mais coupable d’homicide involontaire coupable sur la base de la provocation, uniquement si les cinq conditions suivantes sont réunies :
1. (NDP) a eu une conduite qui constituait un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus;[2]
2. la conduite de (NDP) était de telle nature qu’elle suffisait à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser;
3. quand (NDA) a tué (NDP), il avait perdu le pouvoir de se maîtriser en raison de la conduite de (NDP);
4. la conduite de (NDP) était soudaine;
5. les actes de (NDA) ayant causé la mort de (NDP) ont été commis sous l’impulsion du moment et avant que (NDA) n’ait eu le temps de reprendre son sang-froid.
(NDA) n’a pas à prouver que la défense de provocation s’applique. La Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que la défense de provocation ne s’applique pas.
À moins que la Couronne ne prouve hors de tout doute raisonnable qu’au moins une des conditions de la provocation n’était pas remplie, vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre, mais coupable d’homicide involontaire coupable.
Première question – La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDP) n’a pas eu une conduite qui constituait un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus?
Deuxième question – La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que la conduite de (NDP) n’était pas de telle nature qu’elle suffisait à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser?
Troisième question – La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’avait pas perdu le pouvoir de se maîtriser en raison de la conduite de (NDP) lorsqu’il a tué (NDP)?
Quatrième question – La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que la conduite de (NDP) n’était pas soudaine?
Cinquième question – La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas agi sous l’impulsion du moment et avant qu’il n’ait eu le temps de reprendre son sang-froid?
Si chacun d’entre vous est convaincu qu’il faut répondre « oui » à une ou plusieurs de ces questions, la défense de provocation doit être rejetée. Il n’est pas nécessaire que chacun d’entre vous réponde « oui » à la même question.
Si vous êtes tous d’accord qu’il faut répondre « non » à chacune de ces cinq questions, les conditions de la provocation sont réunies et vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre mais coupable d’homicide involontaire coupable.
Je vais maintenant revoir chacune de ces questions avec vous.
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée. L’acte criminel en litige est le suivant : (préciser). Il est passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus.
Les éléments de cette infraction sont les suivants : (énoncer et définir les éléments essentiels qui s’appliquent en fonction des faits de l’espèce).
La Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable l’absence de l’un de ces éléments. Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée.
Dans les cas où se pose la question du droit légal qu’avait la victime d’avoir une conduite qui constituait l’acte passible d’emprisonnement en question (p. ex. légitime défense, arrestation légale), la directive suivante doit être donnée : [3]
Ne constitue pas de la provocation le fait, pour (NDP), de faire quelque chose qu’il a le droit légal de faire. Si la Couronne a prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDP) n’avait pas le droit légal de faire ce qu’il a fait, la défense de provocation doit être rejetée. (Faire référence à la disposition législative ou à la règle de droit qui autoriserait le comportement en question, comme la légitime défense ou l’arrestation légale, et donner des directives sur les conclusions factuelles qui sont nécessaires pour décider si l’acte était ou non autorisé par la loi.)
S’il existe une preuve que l’accusé a incité à la provocation, donner la directive suivante :
Si la Couronne a prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) a incité une autre personne à faire ou à dire quelque chose en vue de se donner une excuse pour causer la mort ou des lésions corporelles, la défense de provocation doit être rejetée.
Si l’accusé invoque une arrestation prétendument illégale, donner une directive conforme à l’article 232(4).
Certains juges préféreront revoir la preuve pertinente après chaque question; d’autres le feront à la suite du résumé présenté plus loin. Ce choix est fonction de la preuve de chaque espèce.
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée.
Demandez-vous si la conduite de (NDP) était de telle nature qu’elle suffisait à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser. En droit, la personne ordinaire n’est pas exceptionnellement querelleuse ou irritable ou dans un état d’intoxication. Elle a un tempérament normal et un niveau de maîtrise de soi normal, et a les mêmes caractéristiques pertinentes[4] que (NDA).
En l’espèce, les caractéristiques pertinentes sont : (préciser, p. ex. l’âge, la race, le sexe, un handicap, l’orientation sexuelle, etc.) que (NDA)).
La question n’est pas de savoir si la personne ordinaire aurait réagi en tuant (NDP), mais plutôt de savoir si une personne ordinaire confrontée à la conduite de (NDP) dans les mêmes circonstances aurait perdu le pouvoir de se maîtriser.
Vous devez tenir compte de tout ce qui a été dit ou fait au moment des événements, mais aussi des rapports entre (NDA) et (NDP) et de leur historique, y compris de tout échange antérieur entre eux.
(Revoir la preuve pertinente au besoin.)
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée.
La question n’est pas simplement de savoir si (NDA) était en colère. La colère, même extrême, n’est pas un moyen de défense. Cependant, il peut arriver qu’une personne en colère perde le pouvoir de se maîtriser.
Ici, l’attention est sur (NDA). Même si l’on considère qu’une personne ordinaire aurait perdu le pouvoir de se maîtriser en raison de la conduite de (NDP), cela ne veut pas nécessairement dire que (NDA) a lui-même perdu le pouvoir de se maîtriser.
Examinez toutes les circonstances et demandez-vous si (NDA) avait effectivement perdu le pouvoir de se maîtriser quand il a tué (NDP). Vous devez tenir compte de toutes les caractéristiques et circonstances personnelles de (NDA), y compris de facteurs comme son âge, son passé, ses particularités, son tempérament, son état mental et toute consommation d’alcool ou de drogues.
(Revoir la preuve pertinente au besoin.)
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée.
La conduite de (NDP) est soudaine si (NDA) ne s’y attendait pas, n’y était pas préparé psychologiquement et si son effet immédiat a été de priver (NDA) du pouvoir de se maîtriser. Tenez compte de toutes les circonstances, et de toute la séquence des événements, y compris l’historique des relations entre (NDA) et (NDP)[5] .
S’il y a un historique de difficultés entre les parties, ajouter la directive suivante :
Il se peut que (NDA) n’ait pas été préparé psychologiquement à faire face à la conduite de (NDP), même s’il y avait entre eux un historique de difficultés. Si vous arrivez à la conclusion qu’il y avait un historique de difficultés entre les parties, demandez-vous si son effet cumulatif a soudainement privé (NDA) du pouvoir de se maîtriser, à cette occasion
(Revoir la preuve pertinente au besoin.)
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée.
La provocation est un moyen de défense seulement si (NDA) a tué (NDP) en réaction spontanée à la conduite de (NDP). La question est de savoir si (NDA) a agi sous l’impulsion du moment, alors qu’il avait perdu le pouvoir de se maîtriser. C’est ce qu’on entend par l’expression « agir dans un accès de colère ».
Même si (NDA) avait effectivement perdu le pouvoir de se maîtriser, vous devez vous demander s’il l’avait repris avant de tuer (NDP)[6] . Examinez toute la séquence des événements lorsque vous étudierez la question de savoir si (NDA) a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir repris son sang-froid. Encore une fois, vous devez tenir compte de toutes les circonstances et caractéristiques personnelles de (NDA).
(Revoir la preuve pertinente au besoin.)
(En résumé:)
(Revoir la preuve pertinente, si cela n’a pas déjà été fait.)
Demandez-vous :
Première question – La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDP) n’a pas eu une conduite qui constituait un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus?
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez vous poser une deuxième question.
Deuxième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que la conduite de (NDP) n’était pas de telle nature qu’elle suffisait à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser?
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez vous poser une troisième question.
Troisième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’avait pas perdu le pouvoir de se maîtriser en raison de la conduite de (NDP) lorsqu’il a tué (NDP)?
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez vous poser une quatrième question.
Quatrième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que la conduite de (NDP) n’était pas soudaine?
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez vous poser une cinquième question.
Cinquième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas agi sous l’impulsion du moment et avant qu’il n’ait eu le temps de reprendre son sang-froid?
Si cette preuve a été faite, la défense de provocation doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre, mais coupable d’homicide involontaire coupable.
Je répète : Si chacun d’entre vous est convaincu qu’il faut répondre « oui » à une ou plusieurs de ces questions, la défense de provocation doit être rejetée. Il n’est pas nécessaire que chacun d’entre vous réponde « oui » à la même question.
Si vous êtes tous d’accord qu’il faut répondre « non » à chacune de ces cinq questions, les conditions de la provocation sont réunies et vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre mais coupable d’homicide involontaire coupable.
[1] Article 232, dans sa version modifiée par le chapitre 29 des Lois du Canada 2015. S’applique aux causes dans lesquelles le meurtre allégué est survenu après le 15 juillet 2015.
[2] Dans la loi telle que modifiée en date du 16 juillet 2015, les termes « action injuste ou insulte » ont été remplacés par « conduite de la victime, qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi [Code criminel] passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus », changement qui a eu pour effet de restreindre la défense de provocation. La nouvelle disposition législative soulève plusieurs questions du fait qu’elle précise que la provocation réside dans la « conduite de la victime », ce qui n’était pas le cas dans l’ancienne disposition législative. Deux décisions de première instance ont déclaré inopérante l’exigence de l’art. 232 selon laquelle la conduite de la victime doit constituer un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus et l'ont supprimée de cet article. Voir R. v. Simard, 2019 BCSC 531 et R. c. Fredette, 2019 QCCS 4116.
[3] En 1996, la Cour suprême du Canada a défini l’expression « droit légal » comme étant un droit qui est expressément autorisé par la loi par opposition à un acte que l’auteur a le droit de poser sans encourir de sanction : voir R. c. Thibert, [1996] 1 R.C.S. 37, aux par. 29-30; R. c. Tran, 2010 CSC 58, aux par. 27-29. Il faudra voir si cette jurisprudence s’applique toujours aux infractions commises après le 16 juillet 2015 étant donné que la provocation se limite maintenant à une conduite qui constituerait un acte criminel passible de cinq ans ou plus d’emprisonnement.
[4] Les caractéristiques pertinentes varient d’une affaire à l’autre selon la nature de la provocation. Par exemple, la race peut être une caractéristique pertinente si l’action provocatrice est accompagnée d’une remarque raciste, mais elle pourrait ne pas être pertinente dans une autre situation. Dans l’affaire R. c. Tran, 2010 CSC 58, la Cour suprême du Canada a prévenu que « la notion de personne ordinaire doit être circonscrite en fonction des normes de comportement actuelles, y compris les valeurs fondamentales comme la recherche de l’égalité consacrée par la Charte canadienne des droits et libertés », de sorte que l’homophobie ne constituerait pas une caractéristique pertinente, non plus que les caractéristiques fondées sur des « conceptions archaïques » au sujet de l’adultère ou sur « un sens de l’‘honneur’ envisagé de manière inacceptable » (par. 34). Les arrêts R. c. Hill, [1986] 1 R.C.S. 313, aux par. 35-37 et R. c. Thibert, [1996] 1 R.C.S. 37, aux par. 14-19 contiennent également des indications utiles concernant les caractéristiques pouvant être attribuées à la personne « ordinaire ».
[5] La Cour suprême du Canada a statué qu’une insulte ne saurait être qualifiée de « soudaine » dans une situation où l’accusé soupçonnait la liaison de son ex-épouse avec un autre homme avant même de les trouver au lit ensemble : R. c. Tran, 2010 CSC 58, au par. 45.
[6] Il ne suffit pas de savoir si l’accusé était encore en colère au moment de l’homicide; il faut également déterminer s’il était toujours privé du pouvoir de se maîtriser : R. c. Tran, 2010 CSC 58, au par. 46.