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Remarque : les modèles de directives au jury sont des gabarits que les juges doivent adapter aux circonstances particulières de chaque procès, et non pas simplement lire dans leur intégralité. Elles ne sont pas conçues pour être présentées « telles quelles ». On trouvera de plus amples renseignements sur l’utilisation des modèles de directives au jury dans la préface et l’avis aux utilisateurs, qu’on peut consulter ici.

11.14 Comportement après le fait

Note[1]

Compte tenu des préoccupations entourant l’utilisation, bonne et mauvaise, de la preuve relative au comportement après le fait, le juge du procès devrait donner au jury une directive distincte sur ce type de preuve avant aborder les éléments de l’infraction. Cependant, dans le cadre de ses directives sur les éléments essentiels de l’infraction, le juge doit également résumer la preuve relative au comportement après le fait quant à son application à la question en litige ou à l’élément pertinent, comme l’identité, l’intention, l’alibi, la causalité, etc.[2] Ce faisant, il doit rappeller au jury sa directive indépendante sur le comportement après le fait, les différentes explications du comportement après le fait qui émanent de la preuve et la prudence dont le jury doit faire preuve avant de tirer des inférences de la preuve.

(dernière mise à jour – septembre 2023)

Pour être admissible, la preuve relative au comportement après le fait de l’accusé doit être logiquement pertinente à l’égard d’une question importante en litige; elle ne doit être visée par aucune autre règle d’exclusion en matière de preuve; et sa valeur probante doit l’emporter sur ses effets préjudiciables.[3]

Si la preuve relative au comportement après le fait de l’accusé est admissible à l’égard d’une question en litige, vous devez « [définir] précisément la question, la raison et l’utilisation pour lesquelles la preuve en cause est présentée, [et] formuler les inférences raisonnables et rationnelles qui peuvent en être tirées ». Vous devez « exposer expressément le raisonnement qui justifie la pertinence et l’importance de cette preuve par rapport à l’utilisation qu’on entend en faire », y compris toute autre explication qui émane de la preuve. Si le jury ne peut se servir du comportement après le fait à l’égard d’une question donnée ou si le comportement après le fait ne peut faire l’objet que d’une utilisation limitée ou s’il n’a aucune valeur probante relativement à une question en particulier, vous devrez en faire part au jury au moyen d’une directive.[4]

Dans R. c. Calnen, 2019 CSC 6, par. 119 -140, la Cour suprême du Canada a établi clairement que, dans certains cas, « la preuve relative au comportement après le fait de l’accusé peut être pertinente pour trancher la question de l’intention et elle peut servir à étayer une distinction entre divers degrés de culpabilité ». Cela dépendra de l’ensemble du dossier et des questions soulevées au procès.

En tant que juge du procès, vous devriez également vous « demander si [vous devez] adresser au jury d’autres directives limitatives ou mises en garde de nature particulière afin d’atténuer tout risque de raisonnement particulièrement associé au comportement après le fait en cause. […] Par exemple, des directives supplémentaires peuvent être nécessaires lorsque le comportement après le fait concerne l’attitude de l’accusé, ou les faux alibis ou mensonges qu’il avance, ou encore son silence ou son refus (ou, inversement, sa volonté) de prendre part à l’enquête […] » [5] Voir également R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, par. 25-34.

 

De plus, il est important de dire au jury de ne pas tirer d’inférence à l’encontre de l’accusé du fait que celui-ci exerce son droit au silence face à l’interrogatoire de la police : R. c. Turcotte, [2005] 2 R.C.S. 519. De plus, dans R. v. Henry, 2010 BCCA 462, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, s’appuyant sur R. c. Marcoux et Salomon, [1976] 1 R.C.S. 763, a conclu que l’on ne pouvait tirer d’inférence du refus d’un accusé de participer à une parade d’identification.

 

[1]             Selon la preuve que vous avez entendue, (NDA) aurait (préciser les choses dites faites) certaines choses après l’incident mentionné dans l’acte d’accusation. Par commodité, j’y ferai référence en les appelant «  comportement après le fait ». Dans la présente affaire, (NDA) aurait (décrire brièvement le comportement allégué : fui les lieux de l’infraction, la province, le pays; fait des déclarations fausses ou trompeuses; tenté de dissimuler des preuves; fait une tentative de suicide, etc.).

[2]             Le comportement après le fait est un type de preuve circonstancielle. Comme c’est le cas pour toute preuve circonstancielle, vous devez vous demander s’il est possible d’en tirer des inférences et, le cas échéant, lesquelles. (Vous ne pouvez considérer cette preuve que si vous arrivez à la conclusion que le comportement a effectivement eu lieu.) [6]

[3]             Gardez à l’esprit qu’il arrive parfois aux gens de (préciser, par exemple fuir, mentir) pour des raisons parfaitement innocentes, comme la panique, l’embarras ou la peur d’être accusé à tort.

[4]             Selon la thèse de la Couronne, (préciser les inférences qui, selon la Couronne, peuvent être tirées du comportement après le fait; par exemple qu’il faut inférer de la fuite de l’accusé sa participation à l’infraction). La défense soutient quant à elle qu’on ne peut tirer ces inférences parce que (préciser la thèse de la défense, par ex. que l’accusé a fui par peur d’être erronément accusé).

[5]             Les inférences que vous pouvez tirer de cette preuve sont (préciser). (Vous ne devez pas utiliser cette preuve pour (préciser les inférences que le jury ne peut pas tirer dans cette affaire)).[7]

 (Revoir la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

 

(Lorsque (NDA) a fourni une explication pour son comportement après le fait ou si une telle explication émane de la preuve, donner la directive suivante.)

[6]  Vous devez aussi tenir compte des autres raisons susceptibles d’expliquer le comportement après le fait. Vous vous rappellerez que (préciser, par example le témoignage ou les déclarations de (NDA), ou toute autre explication émanant de la preuve). N’oubliez pas que (NDA) n’a pas à prouver quoi que ce soit. La Couronne doit prouver la culpabilité de (NDA) hors de tout doute raisonnable.

 

(Lorsque le comportement après le fait est une déclaration fausse ou trompeuse, comme un faux alibi, donner les directives énoncées ci-après aux paragraphes [7] à [10].)

NOTE: Cette directive ne devrait être donnée que si le juge du procès a déterminé qu’il existe une preuve de fabrication autre que la déclaration.

[7]  Selon la preuve que vous avez entendue, (NDA) aurait fait des déclarations fausses ou trompeuses après l’infraction qui lui est reprochée (résumer la preuve de ces déclarations). Je vous rappelle, cependant, qu’une fausseté ne constitue pas nécessairement un mensonge. Par exemple, une fausse déclaration peut être attribuable à de la confusion ou à une mauvaise mémoire. Un mensonge est une fausseté intentionnelle. Le fait de ne pas croire la déclaration d’une personne n’équivaut pas nécessairement à conclure qu’il y a eu mensonge intentionnel.

[8]  Il ne suffit pas de conclure que (NDA) a menti (ou a participé à un mensonge) pour étayer une conclusion de culpabilité. Il doit y avoir d’autres éléments de preuve montrant que le but du mensonge était de dissimuler l’implication de (NDA) dans l’infraction dont (NDA) est accusé

[9]  Il existe une preuve indépendante sur laquelle vous pouvez vous fonder, sans en avoir l’obligation, pour conclure que la fausse déclaration a été fabriquée par (NDA) (ou avec sa participation).

(Revoir la preuve pertinente).

[10]  À moins d’arriver à la conclusion que la fausse déclaration était un mensonge que (NDA) a proféré (ou auquel il a participé) afin de dissimuler son implication dans l’infraction reprochée, vous ne devez pas vous fonder sur cette déclaration pour inférer sa culpabilité.

  

Lorsque (NDA) a soulevé un moyen de défense que le comportement après le fait pourrait affecter, donner la directive énoncée aux paragraphes [11] et [12]. [8]

[11]  Dans cette affaire, (NDA) a soulevé la défense de (préciser le moyen de défense que le comportement après le fait pourrait affecter, comme un accident, la légitime défense, l’intoxication, la non-responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux, en vertu de l’art. 16 du Code criminel.)

[12]  Vous pourrez utiliser la preuve relative au comportement que (NDA) aurait eu après le fait quand vous considérerez si ce moyen de défense soulève dans votre esprit un doute raisonnable quant à la culpabilité de (NDA).

(Expliquer au jury comment il peut utiliser la preuve. Par exemple, si (NDA) invoque la défense d’intoxication et qu’il a été établi que (NDA) a fui les lieux après le fait, il pourrait y avoir lieu de dire au jury qu’il doit se demander si la fuite peut être considérée comme un comportement dont on peut inférer que (NDA) avait la capacité mentale requise pour l’infraction.)

 

(Considérer s’il y a lieu de rappeler au jury la différence entre la preuve circonstancielle et la preuve directe. De plus, lorsque la thèse de la Couronne repose en totalité ou en quasi-totalité sur une preuve circonstancielle, la directive suivante devrait être donnée au jury : « vous ne pouvez rendre un verdict de culpabilité fondé sur la preuve circonstantielle à moins…d’être convaincus hors de tout doute raisonnable que la culpabilité de (NDA) est la seule conclusion raisonnable[9] pouvant être tirée de l’ensemble de la preuve ». Consulter la Directive 10.2.)

[13]           Vous pouvez utiliser (préciser le comportement après le fait) en tant que preuve circonstancielle de (préciser la question en litige, par exemple l’identité, l’intention, le degré de culpabilité), si vous arrivez à la conclusion que ce comportement n’est compatible avec aucune autre explication rationnelle[10]. En pareil cas, vous pourrez considérer cette preuve, avec tous les autres éléments de preuve présentés dans cette affaire, pour décider si la Couronne a prouvé l’élément essentiel de (préciser) hors de tout doute raisonnable. C’est à vous qu’il revient de décider le poids que vous accorderez à cette preuve.

[1] L’expression « preuve de conscience de culpabilité » est à proscrire. On doit plutôt utiliser l’expression « comportement postérieur à l’infraction » ou « preuve du comportement après le fait ». Voir R. c. White, [1998] 2 RCS 72, le juge Major.

[2]   R. c. Calnen, 2019 CSC 6, par. 113-150. Voir également, R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, par. 29-30.

[3] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, par. 107-110. Voir également White (2011), par. 31 et 36.

[4] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, par. 113.

[5] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, par. 118. Les autres principaux arrêts de la Cour suprême du Canada sur cette question sont : R. c. Arcangioli, [1994] 1 R.C.S. 129,  R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72. et R c Rodgerson, 2015 CSC 38.

[6] Dans les cas où le comportement est contesté, inclure les mots entre parenthèses.

[7] Insérer l’énoncé entre parenthèses les circonstances s’y prêtent.

[8] Cette directive pourrait devoir être modifiée si la preuve de comportement après le fait est présentée pour repousser une défense dont l’accusé a le fardeau de preuve (comme l’automatisme ou les troubles mentaux).

[10]  R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, par. 21.