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Remarque : les modèles de directives au jury sont des gabarits que les juges doivent adapter aux circonstances particulières de chaque procès, et non pas simplement lire dans leur intégralité. Elles ne sont pas conçues pour être présentées « telles quelles ». On trouvera de plus amples renseignements sur l’utilisation des modèles de directives au jury dans la préface et l’avis aux utilisateurs, qu’on peut consulter ici.

11.24 Preuve d’identification par témoin oculaire

Note[1]

(dernière mise à jour – juin 2023)

[1]              La question de l’identification est importante dans ce procès. L’issue du procès que subit (NDA) dépend entièrement (ou dans une large mesure) du témoignage de témoins oculaires.

[2]              Vous devez faire preuve d’une grande prudence avant de déclarer (NDA) coupable d’une infraction criminelle sur la base du témoignage d’un témoin oculaire. Des personnes innocentes ont été injustement condamnées parce qu’on avait accordé foi à l’identification erronée faite par un témoin oculaire. Même plusieurs témoins peuvent commettre de bonne foi une erreur d’identification. L’identification par témoin oculaire peut sembler plus fiable qu’elle ne l’est en réalité parce qu’elle est faite par un témoin crédible et convaincant qui croit sincèrement mais erronément que l’accusé est la personne qu’il a vu commettre l’infraction.[2]

[3]              Le lien entre la grande confiance du témoin et l’exactitude de l’identification est très ténu. Même un témoin très convaincu peut faire sincèrement erreur. Un témoin très convaincu peut être complètement dans l’erreur quant à la preuve d’identification.

[4]              L’identification par témoin oculaire est une conclusion fondée sur les observations d’un témoin. La fiabilité de l’identification dépend des bases sur lesquelles s’appuie la conclusion du témoin.

[5]              Examinez les différents facteurs[3] qui se rapportent spécifiquement à témoin chaque oculaire et à son identification de (NDA) commeétant l’auteur de l’infraction reprochée :

(Passer en revue avec le jury les facteurs pertinents des catégories ci-dessous qui s’appliquent au cas d’espèce. D’autres facteurs pourraient aussi s’appliquer.)

1. Fiabilité du témoin

Le témoin avait-il une bonne vue ?

La capacité du témoin d’observer était-elle altérée par l’alcool ou des drogues ?

Le témoin a-t-il une mémoire fiable ?

Le témoin est-il capable de communiquer les observations qu’il a faites à ce moment-là ?

Avec quelle exactitude le témoin a-t-il évalué la distance ?

(Revoir la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

2. Circonstances dans lesquelles le témoin a observé la personne

Le témoin avait-il déjà vu la personne à une autre occasion ?

Le témoin connaissait-il la personne avant de la voir à ce moment-là ?

Pendant combien de temps le témoin a-t-il observé la personne qui, selon lui, est celle qui subit son procès ?

La visibilité était-elle bonne ou mauvaise ?

La vue était-elle obstruée par quoi que ce soit ?

À quelle distance le témoin se trouvait-il de la personne qu’il a vue ?

Comment était l’éclairage ?

Le témoin a-t-il été distrait par quoi que ce soit au moment d’observer la personne (p. ex. stress causé par la vue d’une arme, des blessures, un autre événement survenu au même moment) ?

L’auteur de l’infraction portait-il un déguisement ?

(Lorsqu’une identification interraciale est en litige, il pourrait y avoir lieu de mettre le jury en garde contre la fragilité de ce type d’identification.)

(Revoir la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

3. Description fournie par le témoin après qu’il a observé la personne

Combien de temps s’est-il écoulé entre l’événement et la première description donnée par le témoin oculaire ?

La description était-elle précise ? Par exemple : caractéristiques physiques – poids, grandeur, vêtements, couleur des cheveux, poils faciaux, lunettes.

Le témoin a-t-il mentionné des caractéristiques propres à l’accusé (tatouage, cicatrices) ?

Le témoin a-t-il omis des caractéristiques physiques évidentes de l’accusé ?

La description s’approche-t-elle de l’apparence réelle de (NDA) au moment des événements ?

Le témoin a-t-il déjà fourni une description différente de cette personne ?

Y a-t-il des différences entre ces descriptions ? Sont-elles importantes ou mineures ?

Le témoin a-t-il exprimé de l’incertitude au sujet de son identification ?

(Revoir la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

4. Circonstances dans lesquelles le témoin a identifié (NDA) comme étant la personne qu’il a vue

( Utiliser les éléments de cette catégorie lorsqu’une photo ou une séance d’identification a été utilisée .)

Combien de temps s’est-il écoulé entre l’observation et la séance d’identification ?

Le témoin oculaire a-t-il vu une photo de (NDA) avant la séance d’identification, par exemple au journal télévisé, ou sur Internet ?

Quelqu’un a-t-il montré une photo de (NDA) au témoin pour l’aider à l’identifier, avant la séance d’identification ?

Est-ce que quelque chose a été fait pour attirer l’attention du témoin vers une photo ou une personne en particulier ?

Est-ce que quelque chose a été fait pour confirmer la sélection du témoin ?

Est-ce que la procédure d’identification était équitable ? Est-ce que les autres participants à la séance d’identification avaient des caractéristiques physiques semblables à celles de l’accusé ? La taille et la qualité des photos étaient-elles similaires ?

Des photos d’autres personnes ont-elles été montrées en même temps ?

Une autre personne était-elle présente lorsque le témoin a fait l’identification ?

Qu’est-ce que le témoin a dit lorsqu’il a identifié (NDA) ?

Le témoin a-t-il déjà omis d’identifier (NDA) comme étant la personne qu’il avait vue ?

Le témoin a-t-il déjà changé d’avis au sujet de l’identification ?

Le témoin a-t-il été exposé aux descriptions ou comptes rendus d’autres personnes ?

Le témoin a-t-il modifié sa description après avoir été ainsi exposé ?

L’identification découle-t-elle du souvenir qu’avait le témoin de ses observations ou d’un ensemble de photos montrées ou encore de renseignements obtenus d’autres sources ?

(Revoir la preuve pertinente au sujet des circonstances de l’identification.)

Lire le paragraphe [6] lorsque (NDA) est identifié pour la première fois comme étant l’auteur de l’infraction en salle d’audience, et que le témoin oculaire ne le connaissait pas au moment de l’infraction, et/ou lorsqu’il existe des circonstances qui mettent en doute la fiabilité de l’identification. Autrement, passer directement au paragraphe [7].

Il revient au juge du procès d’identifier toutes les circonstances qui mettent en doute la fiabilité du témoignage du témoin. Il lui incombe de donner aux jurés des directives sur les risques associés à la preuve d’identification qu’ils ont entendue. Le juge du procès ne peut simplement s’en remettre aux observations/prétentions de clôture des avocats.[4]

Voir R. c. Hibbert, 2002 CSC 39, par. 44-53 et R. c. Clark, 2022 SKCA 36, par. 72-139[5] pour un exposé détaillé des circonstances qui peuvent miner la fiabilité d’une identification en salle d’audience et de l’importance de cerner ces circonstances pour le jury. Par exemple, si le témoin a vu des photos de l’accusé avant le procès, il se peut qu’il reconnaisse la personne qu’il a vue sur la photo et non celle qu’il a vu commettre l’infraction.

[6]           (NDT) a identifié (NDA) dans la salle d’audience alors que celui-ci était au banc des accusés. On ne peut accorder une grande fiabilité à cette identification parce qu’il existe un risque que le témoin présumera que (NDA) est l’auteur de l’infraction simplement parce qu’il est assis au banc des accusés.

(S’il y a lieu, donner la directive suivante : Il existe aussi un risque que le témoin reconnaisse (NDA) autrement qu’en lien avec l’infraction.)

Vous devez également considérer les facteurs suivant qui sont susceptibles de miner la fiabilité de l’identification.

(Revoir la preuve pertinente au sujet des circonstances de l’identification.)

Je vous rappelle qu’un témoin très convaincu peut se tromper complètement quant à la personne qu’il identifie.

Dans le rare cas où le jury pourrait conclure que l’identification à l’audience est la seule preuve d’identification, donner la directive qui suit :

Si vous arrivez à la conclusion que l’identification à l’audience est la seule preuve d’identification, il serait dangereux de condamner (NDA).

Rappelez-vous que la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que (NDA) est la personne qui a commis l’infraction reprochée. Pour décider de cette question, examinez le témoignage du témoin oculaire avec les autres éléments de preuve qui vous ont été présentés dans la présente affaire.

[1] Lorsque la preuve d’identification par témoin oculaire est très faible (que le témoin n’a eu « une vision momentanée », par exemple), le juge du procès devrait alors dessaisir le jury et ordonner l'acquittement : Mezzo c. La Reine, [1986] 1 RCS 802, par. 21.

Il convient de donner la présente directive lorsque la thèse du ministère public dépend entièrement ou dans une large mesure de la déposition d’ un témoin oculaire, que l’accusé conteste. Dansd’autres cas, lorsque la déposition du témoin oculaire occupe une place moins importante parce qu’il existe d’autres éléments de preuve, il convient de s’enquérir auprès des avocats, conference préalable à la mise en accusation, de la nécessité de donner une telle directive et, le cas échéant, de la forme qu’elle devrait prendre.

Lorsque la défense présente une preuve d’identification par témoin oculaire, la directive relative à cette preuve doit être formulée différemment. La mise en garde spéciale concernant les condamnations injustifiées ne s’applique pas à cette preuve lorsqu’elle est présentée par la défense. Le jury devrait cependant tenir compte des mêmes facteurs pour évaluer le témoignage du témoin oculaire, mais la directive doit être reliée à la norme du doute raisonnable. Voir R. c. Jack (1992), 70 C.C.C. (3d) 67 (Man. C.A.); R. c. Jeffrey (1989), 35 O.A.C. 321 (C.A.)[Lexis Advance Quicklaw]; R. c. Wristen (1999), 141 C.C.C. (3d) 1 (Ont. C.A.).

[2] R. c. Hibbert, 2002 CSC 39, par. 50.

[3]Certains de ces facteurs sont mentionnés dans Mezzo c. La Reine, [1986] 1 RCS 802, par. 20-23.

[4] R. v. Clark, 2022 SKCA 36, par. 161-162, confirmé 2022 CSC 49./p>

[5] Confirmé par la Cour suprême du Canada (2022 CSC 49, infirmant la décision majoritaire de la Cour d’appel de la Saskatchewan et souscrivant aux motifs du juge Leurer, dissident).