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Remarque : les modèles de directives au jury sont des gabarits que les juges doivent adapter aux circonstances particulières de chaque procès, et non pas simplement lire dans leur intégralité. Elles ne sont pas conçues pour être présentées « telles quelles ». On trouvera de plus amples renseignements sur l’utilisation des modèles de directives au jury dans la préface et l’avis aux utilisateurs, qu’on peut consulter ici.

Infraction 229(a) : Meurtre au deuxième degré

(al. 229(a))

(dernière mise à jour – juin 2023)

La présente directive a pour but d’illustrer comment il est possible d’intégrer des directives sur la légitime défense dans des directives sur le meurtre au deuxième degré et, plus particulièrement, comment les conditions nécessaires à la légitime défense s’arriment aux éléments essentiels de l’infraction de meurtre au deuxième degré. Prendre note, toutefois, que cette directive ne présente pas l’unique façon de combiner les directives relatives à la légitime défense et celles relatives au meurtre au deuxième degré. Ainsi, dans certains cas, il pourrait être préférable de donner les directives relatives à la légitime défense au jury avant de lui communiquer l’ensemble des directives relatives au meurtre au deuxième degré. Vous devriez consulter les procureurs sur cette question, notamment lors de la conférence de gestion.

La présente directive présume que l’acte illégal ayant causé la mort est l’infraction de voies de fait; que le seul moyen de défense invoqué par l’accusé est la légitime défense; et que la cause du décès n’est pas en litige. Prendre note que la présente directive ne doit pas être utilisée lorsque le paragraphe (3) de l’article 34 du Code criminel trouve application (à savoir, lorsque l’emploi de la force est légalement autorisé).

En règle générale, chaque fois que l’inculpé soulève une défense, il est nécessaire de considérer comment celle-ci se rapporte aux éléments essentiels de l’infraction reprochée et à quel moment on doit insérer les directives relatives à la défense. Par exemple, la défense d’intoxication, qui est pertinente pour déterminer si l’accusé avait l’intention requise pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré, peut être intégrée dans cette section de la directive.

[1]               (NDA) est accusé de meurtre au deuxième degré. L’acte d’accusation se lit comme suit :

(Lire l’acte d’accusation ou le chef d’accusation.)

[2]               Vous ne devez pas déclarer (NDA) coupable de meurtre au deuxième degré à moins que la Couronne n’ait prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) est la personne qui a commis l’infraction à la date et au lieu indiqués dans l’acte d’accusation[1] . De plus, la Couronne doit prouver chacun des éléments essentiels suivants hors de tout doute raisonnable :

1. (NDA) a causé la mort de (NDP);

2. (NDA) a causé la mort de (NDP) en commettant l’acte illégal de voies de fait et n’agissait pas en légitime défense;

3. (NDA) avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre.

À moins que vous soyez convaincus hors de tout doute raisonnable que la Couronne a prouvé tous les éléments essentiels de l’infraction reprochée, vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre au deuxième degré.

Si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable que la Couronne a prouvé tous les éléments essentiels de l’infraction reprochée, [et que vous n’entretenez aucun doute raisonnable  après avoir examiné le moyen de défense de la légitime défense, vous devez déclarer (NDA) coupable de meurtre au deuxième degré.

Afin d’établir si la Couronne a prouvé les éléments essentiels de l’infraction reprochée, examinez les questions suivantes :

[3]               Première question : (NDA) a-t-il causé la mort de (NDP) ?

Afin d’établir que (NDA) a causé la mort de (NDP), la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que le comportement de (NDA) a contribué de façon importante à la mort de (NDP)[2] . Le comportement d’une personne peut contribuer de façon importante à la mort d’une autre personne même si ce comportement n’en est pas la seule cause ou la cause principale. Vous devez examiner tous les éléments de preuve établissant la cause du décès de (NDP), y compris le témoignage d’expert de (NDT),[3] afin de décider si la Couronne a prouvé que le comportement de (NDA) a contribué de façon importante à la mort de (NDP). Cette décision vous appartient.

(Examiner la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

À moins que vous soyez convaincus hors de tout doute raisonnable que (NDA) a causé la mort de (NDP), vous devez déclarer (NDA) non coupable. Cela mettra fin à vos délibérations.

Si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable que (NDA) a causé la mort de (NDP), vous devez passer à la prochaine question.

[4]               Deuxième question : (NDA) a-t-il causé la mort de (NDP) en commettant l’acte illégal de voies de fait alors qu’il n’agissait pas en légitime défense??

Causer la mort d’une autre personne ne constitue pas toujours un acte criminel. Cependant, causer la mort d’une autre personne au moyen d’un acte illégal constitue un acte criminel . L’acte illégal reproché en l’espèce est l’infraction de voies de fait.

La présente question comporte deux volets :

1. (NDA) a-t-il commis des voies de fait sur (NDP)?

2. Si (NDA) a commis des voies de fait sur (NDP), agissait-il en légitime défense?

Je vais examiner ces deux volets en séquence.

1. (NDA) a-t-il commis des voies de fait sur (NDP)?

Commet des voies de fait la personne qui applique la force de manière intentionnelle sur une autre personne sachant que cette personne n’y consent pas.

Il peut arriver que des éléments essentiels de l’infraction de voies de fait soient en litige, par exemple lorsqu’une autre défense (dont l’absence d’intention requise) est susceptible de faire échec à un ou plusieurs des éléments essentiels. En pareil cas, des directives complémentaires devront être adressées au jury à l’égard des questions en litige. Consulter les éléments essentiels de l’infraction de voies de fait dans Infraction 266 : Voies de fait.

(Examiner la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

La décision vous revient, mais il est probable que vous aurez peu de mal à arriver à la conclusion que (NDA) a commis l’acte illégal de voies de fait.

À moins que vous soyez convaincus hors de tout doute raisonnable que (NDA) a commis l’acte illégal de voies de fait, vous devez déclarer (NDA) non coupable. Cela mettra fin à vos délibérations.

Si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable que (NDA) a commis l’acte illégal de voies de fait, vous devez passer au deuxième volet de la présente question.

2. Si (NDA) a commis des voies de fait sur (NDP), agissait-il en légitime défense?

En général, lorsqu’une personne pose des actes de la nature des voies de fait, le droit traite ces actes comme un acte criminel. Mais pas toujours. Ainsi, dans certaines circonstances, une personne est autorisée à poser des actes qui seraient normalement considérés comme illégaux si elle le fait dans le but de se défendre ou de se protéger (ou de défendre ou de protéger une autre personne) contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force. La personne qui agit ainsi, et dans les limites du droit, agit légalement et ne commet pas d’infraction.

Il se peut que chacun d’entre vous ait sa propre idée de ce qu’on entend par légitime défense. Cependant, vous avez le devoir, en tant que juré, d’appliquer la loi telle que je vais vous l’expliquer. La loi encadre les circonstances dans lesquelles une personne est légalement autorisée à employer la force pour se défendre (ou défendre une autre personne).

Je vais maintenant vous donner des directives sur la légitime défense. [4]

Note : La Cour suprême du Canada s’est penchée sur la nouvelle disposition du Code criminel relative à la légitime défense dans l’affaire R. c Khill, 2021 CSC, 37. Au nom des juges majoritaires, Madame la juge Martin a déclaré que la nouvelle disposition « [avait]modifié de façons notables le droit applicable à la légitime défense en élargissant la portée et l’application de ce moyen de défense et en ayant recours à une évaluation multifactorielle du caractère raisonnable » (par. 39). Il s’ensuit que « le moyen de défense est maintenant plus accessible et plus souple et que davantage d’allégations de légitime défense seront soumises aux juges des faits » (par. 44).

 

[5]               (NDA) n’est pas coupable de meurtre au deuxième degré si les trois conditions suivantes sont remplies :

1. (NDA) croyait que la force était employée contre lui [ou une autre personne] [ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne], et que cette croyance reposait sur des motifs raisonnables;

2. (NDA) a commis l’acte dans le but de se défendre ou de se protéger [ou de défendre ou de protéger une autre personne] contre l’emploi [ou la menace d’emploi] de la force;

3. (NDA) a agi de façon raisonnable dans les circonstances.

(NDA) n’a pas à faire la preuve qu’il a agi en légitime défense. C’est plutôt à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable qu’il n’a pas agi en légitime défense.

Si la Couronne prouve hors de tout doute raisonnable qu’au moins une des trois conditions de la légitime défense n’est pas remplie, ce moyen de défense doit être rejeté.

[6]               Pour décider si la Couronne a prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas agi en légitime défense, vous devez examiner les trois questions suivantes.

1. La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) ne croyait pas que la force était employée contre lui [ou une autre personne] [ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne], ou que cette croyance ne reposait pas sur des motifs raisonnables?

2. La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas commis l’acte dans le but de se défendre ou de se protéger [ou de défendre ou de protéger une autre personne] contre l’emploi [ou la menace d’emploi] de la force?

3. La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas agi de façon raisonnable dans les circonstances?

Si chacun d’entre vous est convaincu qu’il faut répondre « oui » à une ou plusieurs de ces questions, la défense de légitime défense doit être rejetée. Il n’est pas nécessaire que chacun d’entre vous réponde « oui » à la même question.

Si vous êtes tous d’accord qu’il faut répondre « non » à chacune de ces trois questions, les conditions de la légitime défense sont réunies et vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre au deuxième degré. [5] 

Je vais maintenant revoir chacune de ces questions avec vous.

[7]               Première question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) ne croyait pas que la force était employée contre lui [ou une autre personne] [ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne], ou que cette croyance ne reposait pas sur des motifs raisonnables?

Si cette preuve a été faite, la défense de légitime défense doit être rejetée.

Cet élément porte sur la croyance de (NDA), fondée sur sa perception des circonstances, que la force était employée contre lui [ou qu’on menaçait d’employer la force contre lui], et sur la question de savoir si cette perception était raisonnable.

Afin de décider si la croyance de (NDA) était raisonnable, vous devez vous demander si une personne ordinaire, partageant les attributs, les expériences et la situation de (NDA), aurait eu cette croyance. Si vous estimez (ou croyez ou concluez) qu’ une personne ordinaire, partageant les attributs, les expériences et la situation de (NDA), aurait eu cette croyance, vous devez conclure que la croyance de (NDA) était raisonnable [même si elle repose sur une erreur sincère]. [6]

Le caractère raisonnable n’est pas considéré du point de vue de personnes dont les perceptions reposent sur des facteurs tels que le racisme, l’ivresse, les craintes exagérées ou une vigilance anormale (préciser les expériences, les situations et les attributs pertinents et non pertinents). [7]

Certains juges préféreront revoir la preuve pertinente après chaque question; d’autres le feront à la suite du résumé présenté plus loin. Ce choix est fonction de la preuve de chaque espèce.

Si vous répondez « oui » à la première question, la défense de légitime défense doit être rejetée. Si vous répondez « non », vous devez passer à la prochaine question.

[8]               Deuxième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas commis l’acte dans le but de se défendre ou de se protéger [ou de défendre ou de protéger une autre personne] contre l’emploi [ou la menace d’emploi] de la force ?

Si cette preuve a été faite, la défense de légitime défense doit être rejetée.

Cet élément porte sur le but de (NDA), c’est-à-dire que l’on cherche à déterminer si (NDA) a commis l’acte pour se défendre ou se protéger [ou défendre ou protéger une autre personne] contre l’emploi [ou la menace d’emploi] de la force. (NDA) devait agir dans le but de se défendre, et non dans celui de se venger. [8] (NDA) ne devait pas agir pour se donner un rôle de justicier, pour se venger ou pour toute autre considération personnelle.[9] Il est possible que (NDA) puisse se prévaloir de la défense de légitime défense même s’il avait l’intention de causer la mort de (NDA), pour autant qu’il l’ait fait dans le but de se défendre.

(Revoir la preuve pertinente au besoin.)

Si vous répondez « oui » à la deuxième question, la défense de légitime défense doit être rejetée. Si vous répondez « non », vous devez passer à la prochaine question.

[9]               Troisième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas agi de façon raisonnable dans les circonstances?

Si cette preuve a été faite, la défense de légitime défense doit être rejetée.

Cet élément porte sur le caractère raisonnable de la conduite de (NDA) et consiste à déterminer ce qu’aurait fait une personne ordinaire qui partage les attributs, les expériences et la situation de (NDA) (préciser les attributs, les expériences et la situation pertinents et non pertinents) dans la situation de (NDA). [10] Je vous rappelle que le caractère raisonnable n’est pas considéré du point de vue de personnes dont les perceptions reposent sur des facteurs tels que le racisme, l’ivresse, les craintes exagérées ou une vigilance anormale.

Afin de décider si l’acte de (NDA) était raisonnable [11] dans les circonstances, vous devez tenir compte de la situation particulière de (NDA), des autres parties en cause et de l’acte, y compris les facteurs suivants :

(Faire référence aux facteurs pertinents qui suivent, selon la preuve présentée au procès.)[12]

1. la nature de la force ou de la menace;

2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens dont (NDA) disposait ou non pour parer à son emploi éventuel [13] ;

3. le rôle joué par (NDA) lors de l’incident;

4. le fait qu’une des parties mêlées à l’incident a utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

5. la taille, l'âge, le genre et les capacités physiques des parties mêlées à l’incident;

6. la nature, la durée et les rapports passés entre les parties mêlées à l’incident, y compris tout emploi antérieur ou toute menace antérieure d’emploi de la force, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

7. les échanges ou les communications passés entre les parties mêlées à l’incident;

8. la nature et la proportionnalité de la réaction de (NDA) à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force [14] ;

9. la question de savoir si (NDA) a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’il savait légitime.

Les mots « le rôle joué lors de l’incident » [15] font référence à la conduite de (NDA), à savoir les gestes, les omissions et l’exercice du jugement, du début à la fin de l’incident, qui sont pertinents dans l’analyse du caractère raisonnable de l’acte de (NDA) dans les circonstances. Vous devez vous demander si (NDA) a fait quoi que ce soit pour créer ou causer le conflit ou y contribuer, et tenir compte de l’étendue de sa responsabilité à cet égard. [16]

 

Note : Lorsque la croyance sincère mais erronée de l’accusé est vraisemblable, compte tenu de sa perception de la situation, donnez la directive suivante :

Si (NDA) croyait sincèrement et raisonnablement, mais finalement erronément, que la force était employée contre lui ou qu’on menaçait de l’employer contre lui, vous devez tenir compte de cette croyance afin d’évaluer si l’acte de (NDA) était raisonnable. [17]

Examinez l’ensemble des facteurs pertinents afin de décider si l’acte de (NDA) était raisonnable. C’est à vous qu’il appartient de juger du poids à accorder à chacun des facteurs dans votre analyse du caractère raisonnable de l’acte de (NDA). [18]

(Revoir la preuve pertinente au besoin.)

Si vous répondez « oui » à la troisième question, la défense de légitime défense doit être rejetée. Si vous êtes tous d’accord que la réponse aux trois questions est « non », les conditions de la légitime défense sont réunies et vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre au deuxième degré.

[10]           En résumé :

(Revoir la preuve pertinente, si cela n’a pas déjà été fait.)

Vous devez vous poser les questions suivantes :

Première question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) ne croyait pas que la force était employée contre lui ou une autre personne [ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne], ou que la croyance de (NDA) ne reposait pas sur des motifs raisonnables?

Si cette preuve a été faite, la défense de légitime défense doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez vous poser une deuxième question.

Deuxième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas commis l’acte dans le but de se défendre ou de se protéger [ou de défendre ou de protéger une autre personne] contre l’emploi [ou la menace d’emploi] de la force?

Si cette preuve a été faite, la défense de légitime défense doit être rejetée. Si cette preuve n’a pas été faite, vous devez vous poser une troisième question.

Troisième question : La Couronne a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) n’a pas agi de façon raisonnable dans les circonstances?

Si cette preuve a été faite, la défense de légitime défense doit être rejetée.

Je répète : Si vous êtes tous d’accord qu’il faut répondre « non » à chacune des trois questions, les conditions de la défense de légitime défense sont réunies et vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre au deuxième degré.[19]

Si chacun d’entre vous est convaincu qu’il faut répondre « oui » à une ou plusieurs de ces questions, la défense de légitime défense doit être rejetée. Il n’est pas nécessaire que chacun d’entre vous réponde « oui » à la même question. En pareil cas, vous devez passer à la prochaine question.

[11]           Troisième question : (NDA) avait-il formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré ?[20]

Afin d’établir que (NDA) avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré, la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable :

1. soit que (NDA) avait l’intention de causer la mort de (NDP);

2. soit que (NDA) avait l’intention de causer à (NDP) des lésions corporelles qu’il savait de nature[21]  à causer la mort de (NDP) et qu’il lui était indifférent que la mort en résulte ou non.

En d’autres mots, vous devez décider si la Couronne a prouvé hors de tout doute raisonnable que (NDA) avait l’intention de tuer (NDP) ou que (NDA) avait l’intention de causer à (NDP) des lésions corporelles qu’il savait être assez graves et dangereuses pour entraîner sa mort et qu’il a persisté dans sa conduite malgré la connaissance du risque.

La Couronne n’est pas tenue de prouver l’une et l’autre de ces deux intentions. Vous n’avez pas non plus à tous vous entendre sur la même intention, tant et aussi longtemps que vous êtes tous convaincus que l’une ou l’autre des intentions requises a été établie hors de tout doute raisonnable.

Afin de décider si la Couronne a prouvé que (NDA) avait l’une des intentions requises pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré, vous devez examiner tous les éléments de preuve, y compris la nature des lésions infligées, ainsi que toute parole prononcée ou tout geste posé dans les circonstances de l’espèce. Il est conforme au bon sens que vous puissiez déduire qu’une personne connaît généralement les conséquences prévisibles de ses actes et pose ces actes afin d’entraîner ces conséquences[22] . Cependant, vous n’êtes pas tenus de tirer cette conclusion au sujet de (NDA). En fait, vous ne devez pas tirer cette conclusion si, compte tenu de tous les éléments de preuve, y compris (préciser la preuve d’intoxication, de troubles mentaux ou autre), il existe un doute raisonnable quant à savoir si (NDA) avait l’une des intentions requises pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré. En particulier, demandez-vous si la preuve soulève dans votre esprit un doute raisonnable sur la question de savoir si (NDA) savait que (NDP) allait probablement mourir. Cette décision vous appartient.

(Examiner la preuve pertinente et expliquer le lien entre cette preuve et la question en litige.)

À moins que vous soyez convaincus hors de tout doute raisonnable que (NDA) avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré, vous devez déclarer (NDA) non coupable de meurtre au deuxième degré, mais coupable d’homicide involontaire coupable.

Si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable que (NDA) avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre au deuxième degré, vous devez déclarer (NDA) coupable de meurtre au deuxième degré[23].

 

[1]Si l’identité est contestée, ne pas oublier d’inclure toute autre directive pertinente (ex. témoin oculaire, alibi, faits similaires, etc.). Si la date est contestée, le jury doit être informé que la Couronne doit prouver que l’infraction a été commise au cours de la période indiquée dans l’acte d’accusation. Si le lieu est contesté, le jury doit être informé que la Couronne doit prouver que l’infraction a été commise en partie au lieu indiqué dans l’acte d’accusation.

En règle générale, la Couronne doit prouver la date et le lieu indiqués dans l’acte d’accusation. Cependant, lorsqu’il y a divergence entre les éléments de preuve et l’acte d’accusation, veuillez-vous reporter à l’alinéa 601(4.1) du Code criminel et à la jurisprudence qui a suivi R. c. B. (G.), [1990] 2 R.C.S. 3.

[2]Depuis l’arrêt R. c. Nette, [2001] 3 R.C.S. 488, il semble que cette formulation du critère général de la causalité ne puisse plus entraîner l’infirmation d’une décision. Elle exprime l’élément central du critère établi dans l’arrêt R. c. Smithers, [1978] 1 R.C.S. 506 selon lequel la cause doit avoir contribué « d’une façon qui n’est pas négligeable ou insignifiante ». Ces deux formulations sont équivalentes. Le critère de l’arrêt Nette est considéré comme confirmant la norme de l’arrêt Smithers et comme fournissant une forme d’expression positive de celui-ci. Cette interprétation est renforcée par le jugement rendu dans l’affaire R. c. Maybin, 2012 CSC 24, dans lequel la Cour suprême confirme que les arrêts Smithers et Nette énoncent correctement le critère. Prendre note que la Cour mentionne également ce qui suit au paragraphe 17 :

De plus, la Cour a souligné que les questions de causalité sont particulières à chaque cas et reposent sur les faits. Le choix des termes dans l’exposé au jury est discrétionnaire et dépend des circonstances de l’affaire (Nette, au par. 72). Notre Cour reconnaît donc implicitement dans Nette qu’il peut être utile d’employer différentes méthodes pour évaluer la causalité juridique, selon les faits particuliers en cause.

Selon les faits de l’espèce, il se peut que vous deviez inclure un ou plusieurs des énoncés suivants :

« Aucun acte commis par la suite par une autre personne (ni aucun autre événement subséquent) faisant en sorte que le comportement de (NDA) n’est plus l’une des causes du décès de (NDP) ne doit être survenu. Si vous arrivez à la conclusion que le comportement de (NDA) a contribué de façon importante à la mort de (NDP), il importe peu qu’un traitement (médical) approprié ou opportun aurait pu sauver la vie de (NDP). De même, il importe peu que les actes de (NDA) n’aient fait que précipiter la mort de (NDP) attribuable à une maladie ou un état existant ». Se reporter également aux articles 224 à 228 du Code criminel. En Nouvelle-Écosse, la Cour d’appel a imposé une directive plus détaillée sur la question de la intervening cause; toutefois cette décision n’a pas été suivie dans les autres provinces. R. c. Reid, 2003 NSCA 104, [2003] N.S.J. no. 360 (C.A.).

[3]Supprimer la mention du témoignage d’expert lorsqu’aucun expert n’a témoigné.

[4]Tel qu’édicté par la Loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense, LC 2012, ch. 9, entrée en vigueur le 11 mars 2013 (SI/2013-5). La nouvelle loi a été appliquée prospectivement à partir de la date de son entrée en vigueur, plutôt que de façon rétrospective par rapport à la conduite ayant eu lieu avant cette entrée en vigueur : R. c. Evans, 2015 BCCA 46, par. 26; R. c. Bengy, 2015 ONCA 397, par. 70.

[5]Indiquez clairement que l’accusé ne peut être déclaré coupable de l’infraction reprochée ou d’infractions incluses. Par exemple, si l’accusé fait face à une accusation de meurtre, il ne peut pas être déclaré coupable de meurtre ou d’homicide involontaire coupable si les conditions de la légitime défense sont remplies : R. v. Robertson, 2020 SKCA 8, par. 57.

[6]Voir R c Khill, par. 57. Il n’est pas nécessaire de donner des directives au jury au sujet de la croyance erronée de l’accusé que la force allait être employée s’il existe, dans les faits, une preuve de voie de fait et si l’allégation de croyance erronée est dépourvue de vraisemblance : R. v. Billing, 2019 BCCA 237, par. 13.

[7]Les croyances de la personne accusée doivent être « appréciées du point de vue d’une personne ordinaire qui partage les attributs, les expériences et la situation de la personne accusée lorsque ces caractéristiques et expériences étaient pertinentes quant à la croyance ou aux gestes de la personne accusée » (R c Khill, supra, par. 54). Cependant, ce ne sont pas toutes les caractéristiques et les expériences personnelles qui sont pertinentes. « Le caractère raisonnable n’est pas considéré du point de vue de personnes trop craintives, ivres, anormalement vigilantes ou membres de sous‑cultures criminelles » (par. 56). De plus, la norme de la personne ordinaire est « circonscrite en fonction des normes de comportement actuelles, y compris les valeurs fondamentales comme la recherche de l’égalité consacrée par la Charte canadienne des droits et libertés » (par. 56, citation tirée de R c Tran, 2010 CSC 58, par. 34). En conséquence, une croyance raisonnable ne peut reposer sur des opinions racistes (par. 56).

Dans l’affaire R c Khill, la Cour d’appel de l’Ontario avait déclaré que les caractéristiques et expériences personnelles de la personne accusée (sa formation militaire, par exemple) devraient être prises en compte dans l’analyse du caractère raisonnable de sa croyance, à moins que celles-ci ne soient exclues sur le fondement d’une raison de principe : R. c. Khill, 2020 ONCA 151, par. 51. Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada sont arrivés à la conclusion suivante : « Par exemple, même si la formation militaire de M. Khill constitue une caractéristique personnelle pertinente, cela ne convertit pas la détermination du caractère raisonnable en une norme personnelle bâtie uniquement pour lui, et encore moins en une norme moins exigeante que ce dont on s’attendrait d’une personne raisonnable qui se trouverait dans sa situation. Le droit de la légitime défense ne saurait offrir des règles d’engagement différentes applicables à ce qui se produit dans les foyers de ceux qui ont une expérience militaire ou permettre que la « formation » remplace le discernement et le jugement. L’alinéa 34(1)c) pose la question de savoir si la personne accusée a « ag[i] de façon raisonnable dans les circonstances ». Il n’appelle pas à se demander si la formation militaire de M. Khill rend son acte raisonnable, ni s’il était raisonnable pour ce dernier de commettre l’acte. La question à laquelle il faut répondre est la suivante : qu’aurait fait une personne raisonnable avec une formation militaire semblable dans ce contexte civil? » (par. 65).

[8]R c Charrette, 2018 CAQ 452, par. 18.

[9]« La disposition relative au mobile garantit donc que la personne accusée n’agit pas dans le but de se faire justicier, de se venger ou pour toute autre considération personnelle. » (R c Khill, par. 59)

[10]R c Khill, par. 65-66.

[11]Le jury doit prendre en considération toutes les circonstances pertinentes afin de décider si l’acte de l’accusé était raisonnable, y compris le degré de force employée et les conséquences de celle-ci : R v Robertson, 2020 SKCA 8, par. 35.

Dans R c Levy, 2016 NSCA 45, la Cour a fait une distinction entre l’acte (décharger une arme à feu) et les conséquences de l’acte (tuer l’assaillant). Le jury doit être appelé à décider si l’acte de l’accusé était raisonnable, et non si le fait de tuer la vicitime était raisonnable (par. 133).

[12]R c Khill, par. 114, 127, 139.

[13]Les tribunaux sont divisés sur la question de savoir si une personne a le devoir de quitter son foyer lorsqu’elle fait face à une attaque.

Dans R. c. Cunha, 2016 ONCA 491, le juge Lauwers a appliqué les anciennes dispositions sur la légitime défense mais a expressément noté ce qui suit : « there is no relevant difference, for the purposes of this case, between the old provisions and the new » (au par. 5). Il a appliqué le droit en vigueur sur la question de l’obligation de quitter son foyer :

[9] It is also the law that a person who is defending himself, and other occupants of his house, is not obliged to retreat in the face of danger. In R. v. Forde, 2011 ONCA 592, 277 C.C.C. (3d) 1, this Court considered the issue of retreat at some length, and concluded at para. 55: “a jury is not entitled to consider whether an accused could have retreated from his or her own home in the face of an attack (or threatened attack) by an assailant in assessing the elements of self-defence.”(Nos soulignements.)

Dans R. c. Cormier, 2017 NBCA 10 et R. c Levy, 2016 NSCA 45, les tribunaux ont considéré la possibilité de battre en retraite, y compris dans son propre foyer, comme un facteur permettant de mesurer le caractère raisonnable des actes de l’accusé. Dans Cormier, le juge Richard et le juge Baird ont donné les explications suivantes (et ultérieurement établi une analogie entre l’obligation de fuire et celle de ne pas entrer dans la bagarre) :

[53] In her address to the jury, Crown counsel forcefully argued Mr. Cormier should have remained inside his father’s home. At first, Crown counsel argued Mr. Cormier opening the door was an element to be weighed as the jury assessed the factors enumerated in s. 34(2) in determining whether his actions were reasonable in the circumstances. Recall that s. 34(2)(b), which speaks of the imminence of the use of force, is but one of the many factors to be assessed in determining whether an act committed to defend oneself from the use or threat of force is reasonable in the circumstances.

Dans Levy, le juge Beveridge a également mentionné qu’une personne n’a pas d’obligation stricte de fuire ou de battre en retraite, en particulier si elle fait face à l’emploi de la force sur sa propriété : « [there is no] strict requirement that an accused run away or otherwise retreat, particularly if the force he or she faced was on their own property » (par. 155). Il a par la suite ajouté que cela faisait maintenant partie des neuf facteurs (non exlusifs) énumérés au paragraphe 34(2) : « [it is] now among the nine enumerated (non-exclusive) factors in s. 34(2) » (par. 156).

[14]Lorsque la proportionnalité est un enjeu, il pourrait convenir d’ajouter la directive suivante : « Rappelez-vous que les personnes qui croient raisonablement qu’elles font face à une attaque ne peuvent peut-être pas évaluer avec précision la mesure exacte de l’action défensive nécessaire pour repousser cette attaque. » Cette directive, qui tire son origine de R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (Ont. CA), n’est pas obligatoire et pourrait en fait revêtir moins d’importance selon les nouvelles dispositions sur la légitime défense R. c. Robertson, 2020 SKCA 8, par. 43. Voir également R c Billing, 2019 BCCA 237, par. 23.

[15]Le Parlement a choisi d’adopter les mots « le rôle joué (…) dans l’incident », expression large et d’une valeur neutre, afin d’éliminer le besoin de donner aux jurés des directives complexes sur des notions comme la provocation, l’attaque illégale ou la conduite moralement répréhensible (R c Khill, par. 98). Ce facteur exige que les juges se demandent « si la personne accusée assume une certaine responsabilité à l’égard de l’affrontement final et si sa conduite a une incidence sur le caractère raisonnable ultime de l’acte dans les circonstances » (R c Khill, par. 114).

[16]R c Khill, par. 74, 123, 124.

[17]R c Khill, par. 66.

[18]R c Khill, par. 69, 119.

[19]R. c. Randhawa, 2019 BCCA 15, par. 44, et R. c. Khill, 2020 ONCA 151, par.65.

[20]Si la défense soulevée se rapporte à l’état mental de l’accusé, par exemple l’intoxication ou les capacités affaiblies, insérer la directive pertinente et apporter les adaptations nécessaires aux directives sur la déduction conforme au bon sens quant à l’intention.

Selon l’arrêt R. c. Seymour, [1996] 2 R.C.S. 252, lorsque la preuve suggère que l’état mental de l’accusé était affaibli ou affecté au moment de l’acte de donner la mort, les directives sur la déduction conforme au bon sens quant à l’intention doivent être suivies immédiatement d’une référence à tout élément de preuve qui tendrait à réfuter cette déduction.

Dans certains cas, il y aura lieu de donner une directive « combinée » permettant de considérer l’effet cumulatif de certains moyens de défense, tels que les troubles mentaux, l’intoxication, la légitime défense et la provocation, afin de déterminer si l’accusé a formé l’intention requise, et ce même si les moyens de défense en question ne pourraient exonérer entièrement l’accusé.

[21]Voir R. c. Nygaard et Schimmens, [1989] 2 R.C.S. 1074, (1989), 51 C.C.C. (3d) 417.

[22]Cette directive exprime en langage simple la notion jurisprudentielle de déduction conforme au bon sens selon laquelle une personne entend provoquer les conséquences naturelles et probables de ses actes.

[23]Si la défense de provocation ou d’intoxication est soulevée, insérer la directive pertinente.