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Remarque : les modèles de directives au jury sont des gabarits que les juges doivent adapter aux circonstances particulières de chaque procès, et non pas simplement lire dans leur intégralité. Elles ne sont pas conçues pour être présentées « telles quelles ». On trouvera de plus amples renseignements sur l’utilisation des modèles de directives au jury dans la préface et l’avis aux utilisateurs, qu’on peut consulter ici.

4.11 Évaluation de la preuve par témoin

Note[1]

(dernière mise à jour – juin 2018)

(Dans les affaires d’agression sexuelle)

Je veux maintenant vous mettre en garde contre le fait d’aborder la preuve avec des hypothèses injustifiées sur ce qu’est ou n’est pas une agression sexuelle, sur ce qui constitue ou ne constitue pas un consentement, sur quel genre de personne porte ou ne porte pas plainte pour agression sexuelle, sur quel genre de personne commet ou ne commet pas une agression sexuelle ou sur ce qu’une personne qui est ou a été agressée sexuellement dit ou fait ou ne dit pas ou ne fait pas. Il n’y a pas de victime typique ou d’agresseur typique ou de situation typique ou de réaction typique[2]. Je ne vous dis pas cela pour soutenir une conclusion donnée, mais pour vous vous mettre en garde contre la possibilité d’arriver à une conclusion fondée sur des idées fausses répandues.

Vous devez aborder ce procès avec un esprit ouvert et sans idées préconçues. À la fin du procès, vous devrez rendre une décision fondée exclusivement sur la preuve, en conformité avec mes directives sur le droit applicable.[3]

[1]              Je vais maintenant vous parler de l’évaluation des témoignages. Il vous appartient de décider de la valeur à accorder au témoignage de chaque témoin. Vous pouvez croire tout ou partie d’un témoignage ou l’écarter entièrement. Vous devez vous demander si le témoin dit la vérité et s’il est fiable.

Voici quelques questions à examiner au cours de vos délibérations.

[2]              Le témoin a-t-il eu l’occasion de bien observer l’événement qu’il a décrit ? Pendant combien de temps le témoin a-t-il regardé ou écouté ? Y a-t-il quelque chose qui a nui à sa capacité d’observer ? S’est-il passé quelque chose au même moment qui pourrait avoir distrait le témoin ?

[3]              Le témoin avait-il une bonne mémoire ? Gardez en tête le temps écoulé depuis la date de l’infraction reprochée. Est-ce que quelque chose en particulier aidait le témoin à se souvenir en détail de l’événement qu’il a décrit ? L’événement avait-il quelque chose d’inhabituel ou de mémorable qui ferait en sorte qu’on s’attende à ce que le témoin se souvienne des détails, ou l’événement était-il relativement peu important au moment en cause, de sorte que le témoin pourrait facilement l’avoir oublié ou avoir fait erreur sur certains des details ? L’incapacité ou la difficulté qu’avait le témoin à se souvenir des événements était-elle véritable, ou faisait-il preuve de mémoire sélective pour éviter de répondre à des questions ?

[4]              Le témoin était-il capable de communiquer de façon claire et precise ?

[5]              Comment se comportait le témoin lorsqu’il témoignait ? Ne tirez pas toutefois de conclusions hâtives fondées uniquement sur le comportement du témoin. Les apparences sont parfois trompeuses. Témoigner n’est pas une expérience courante pour bon nombre de témoins. Les gens réagissent et se présentent différemment. Les témoins viennent de différents milieux. Ils ont des intelligences, des capacités, des valeurs et des expériences de vie différentes. Il y a tout simplement trop de variables pour que le comportement d’un témoin constitue le seul facteur ou le plus important facteur dans votre décision.

[6]              Le témoin répondait-il franchement et directement aux questions ou était-il hésitant ou évasif ou cherchait-il à argumenter?

[7]              Le témoin témoignait-il sincèrement, ou son témoignage était-il coloré par son intérêt personnel ? La preuve révèle-t-elle une raison pour laquelle le témoin pourrait favoriser la Couronne ou (NDA) ?

[8]              Le témoignage du témoin était-il compatible avec celui d’autres témoins ? Comme vous le savez, les gens entendent et voient les choses différemment. Cela signifie que nous ne devrions pas être surpris de constater des écarts dans leurs témoignages. Les écarts peu marqués sont souvent sans importance, mais vous pourriez accorder plus d’importance à des écarts plus significatifs.

[9]              Est-ce que le témoignage présente des contractions ? Le cas échéant, ces contradictions rendent-elles le témoignage plus ou moins crédible ou fiable ? Les contradictions sont-elles importantes ou mineures ? Pourrait-il s’agit-il d’une erreur de bonne foi, d’un mensonge délibéré ? Peuvent-elles être expliquées ? L’explication a-t-elle du sens ?

[10]           Vous ne devez pas décider d’une question en fonction simplement du nombre de témoins présentés par chaque partie. Vous pouvez décider que le témoignage d’un petit groupe de témoins et plus fiable que la preuve d’un grand nombre de témoins. C’est la force de la preuve qui compte, pas le nombre de témoins.

[11]           Examinez ces questions en fonction de l’ensemble de la preuve. Servez-vous de votre bon sens pour décider de la valeur probante ou de l’importance à accorder au témoignage des témoins.

[1] Certains juges préfèrent ne pas mentionner dans leurs directives préliminaires les facteurs qui sont présentés sous forme de questions aux paragraphes [2] à [111]. En pareil cas, lire le paragraphe [1], mais omettre la dernière phrase.

[2] Voir R. c. D.D., 2000 SCC 43, au par. 65.

[3]D'autres directives sur la question des stéréotypes trompeurs peuvent être nécessaires selon la preuve présentée au procès. Voir R. c. Barton, 2017 ABCA 216, aux par. 159-162: « [Traduction] [E]n ce qui a trait au traitement de la preuve qui risque d’inciter le jury à s'appuyer sur des mythes discrédités et des idées stéréotypées en matière d'affaires d'infractions sexuelles, il est souvent insuffisant de simplement donner à ce dernier des directives quant aux principes juridiques. L'élément manquant et garantissant une interprétation et une application correctes de la loi réside dans l'explication des mythes sous-jacents que la loi est supposée démystifier. Il incombe donc au juge de première instance de donner, le cas échéant, bien plus qu'une mise en garde générale au jury quant à la possibilité de se fonder sur des mythes et stéréotypes à des fins irrégulières. »